"La terre des hommes rouges" (Birdwatchers)
Des touristes en pleine Amazonie aperçoivent un groupe d'Indiens aux visages couverts de peinture rouge qui les menacent sans grande conviction en leur lançant quelques flèches. Quelques plans plus tard ces mêmes Indiens enfilent des jeans et des t-shirts tandis qu'une jeune femme-aux traits indiens- adossée à son véhicule leur tend avec mépris quelques billets, tout en leur précisant que leur patronne pourrait de nouveau faire appel à eux.
Dès
les premiers images, le réalisateur Marco Bechis bouleverse notre
perception de la réalité et nous invite à nous interroger sur ce que
l'on voit, ce que l'on croit voir et ce que l'on veut bien voir: de
simples "spectateurs", tout comme ces touristes, (des
"Birdwatchers"-observateurs d'oiseaux-titre anglais du film) nous voilà
transformés en témoins directs de la lente disparition des
Guarani-Kaoiwa de la région du Mato Grosso au sud du Brésil.
Alcoolisme, misère, impossibilté de chasser donc de se nourrir,
conséquence directe de la déforestation et de l'appropriation des
terres par les Blancs, et suicides, déciment lentement leur peuple. En
signe de protestation Nadio, le chef de tribu, et une poignée d'entre
eux décident de reprendre la terre qui, juridiquement, ne leur
appartient plus. S'ensuit alors un véritable bras de fer avec les
riches propriétaires terriens qui iront jusqu'à asperger les campements
de la réserve et leurs habitants de produits toxiques, tels des
mauvaises herbes à éliminer.
Le
réalisateur italo-chilien, à travers un récit loin de tout manichéisme,
nous dresse un tableau sans appel: la colonisation qui se poursuit dans
ces territoires, la mondialisation, la déforestation ont
progressivement dépouillé ces peuples de tout ce qu'ils possédaient. Le
mode de vie de nos sociétés modernes et le consumérisme qui leur est
propre ont peu à peu gangréné la civilisation indienne: les Guarani
affichent le taux de suicide le plus élevé au monde. Malgré des liens
qui semblent se nouer entre un Indien et la fille d'un propriétaire
terrien, cette société est condamnée à disparaître, et l'Histoire
continue, elle, de se répéter. James Joyce écrivait à juste titre: "il n'y a ni présent ni futur, mais un
éternel recommencement du passé".