"Secret Défense" de Philip Haïm
Comment
réaliser un film sur les services secrets français à la hauteur des
grands films d'espionnage américain, tout aussi efficace mais néanmoins
innovant? Enorme dilemme auquel a dû faire face Philip Haïm, le
réalisateur de Secret Défense. Eh bien malgré les efforts considérables
de documentation, la présence de spécialistes du monde arabo-musulman
(Malek Chebel, Antoin sfeir..) et de la DGSE (Jean-Pierre Lasserre..)
sur le tournage répondant à un constant souci de vraisemblance, il ne
parvint pas à se détacher ni à nous faire oublier les sources
cinématographiques et télévisuelles dont il s'inspire.
Au fur et à mesure du film,
un autre se constitue dans nos têtes qui élude le premier: on pense à des séries comme Alias dans cette façon surréaliste et saccadée de nous faire voyager, comme Oz durant les scènes carcérales infernales, comme 24 face à la vivacité fiévreuse
du cadrage et du montage, on se remémore des films comme Syriana
quand on se retrouve téléportés au moyen-orient, et l'embrigadement de
Diane par la DGSE évoque Colin Farrel et Al Pacino dans la Recrue.
Et ces parallèles se font spontanément et au détriment total du film
car le traitement de la guerre secrète que se livrent les services
secrets français et les réseaux terroristes 24h sur 24 a beau être un
sujet original, le fait est que l'histoire de fond ne l'est pas du tout
et la mise en scène "grand public" encore moins. Cette absence
d'authenticité nuit considérablement à un scénario qui se veut
réaliste: on a beaucoup de mal à croire au personnage de Diane
dilettante, expédiée dans un claquement de doigts à l'autre bout de la
planète pour une mission extrêmement dangereuse orchestrée par un
Gérard Lanvin unidimensionnel et piètrement sinistre ainsi qu'à la
manipulation à laquelle les terroristes et la DGSE ont recours, propos
pourtant principal du film. Et c'est sans compter sur une scène d'amour
des plus caricaturales et la musique guimauve qui l'accompagne..
"Tant que tu n'as pas vendu ton âme au diable, le diable essaiera de te l'acheter". Le film est à l'image de cet avertissement commercial liminaire: poussif, conformiste et un tantinet ridicule.
C'est
seulement durant le dernier quart d'heure du film que semble apparaître
un récit plus intimiste aux rebondissements inattendus lorsque la
caméra cesse de courir et que les propos se matérialisent. Le désir du
réalisateur de créer "un film sur des être humains dans le cadre d'un
film d'espionnage" s'exaucent enfin mais trop tard, on s'est trop
ennuyés et la projection terminée on veut vite oublier.